Dans le cadre de son aventure Notre Univers au crochet, Karine (La rose du rang) nous fait découvrir les membres du Collectif Francrochet… sous toutes leurs mailles !
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Nadine, tu es la Fille du duo Mère et Fille tricots donc pour débuter, parle-nous un peu de ton parcours et de ce qui a fini par te mener à ce projet d’entreprise.
Je suis tombée dans le monde du crochet un peu par hasard. J’ai eu les pieds dans le monde créatif en général toute ma vie. J’ai touché un peu à tout. J’ai fait du dessin, de l’écriture, de la courtepointe, des chandelles, du bricolage en tout genre… mais tous étaient des ‘hobbies’.
J’ai fait des études en Histoire et obtenu ma Maîtrise de McGill il y a maintenant…attends que je regarde mon diplôme… 24 ans ! Ouf ! Mais, j’admets ne pas avoir été très ambitieuse à poursuivre une carrière dans le domaine.
Je ne voulais surtout pas enseigner, mais j’aimais les archives, les textes ‘primaires’ comme on dit en recherche. Ce qui m’a menée à la généalogie (qui est une autre de mes drogues). Juste savoir que je vais me plonger dans un registre de mariages, baptêmes et décès, ou des contrats de notaire du 18e siècle, et vous me perdez pendant des heures. Je me suis mariée, on est parti vivre à Washington D.C. puisque mon conjoint faisait son Post-Doc au NIH (oui, là où est le Dr. Fauci, dans le même département). Mon fils est né là. Nous sommes revenus à Montréal quelques années plus tard. Puisque je n’avais pas le droit de travailler aux US (mon visa ne me le permettait pas, du moins, pas légalement), j’avais pris la décision de rester à la maison. Je me sentais un peu déconnectée du milieu du travail et le stress des horaires, garderies, travail, etc, ne m’intéressait pas du tout.
Je suis consciente que le salaire de mon conjoint me permettait de rester à la maison et que ce choix n’a pas été difficile pour moi et je l’assume. Avec le temps, j’ai pris des engagements qui m’ont gardée de plus en plus occupée à la maison et à l’extérieur. J’ai commencé à aider mon conjoint dans la gestion de son labo de recherche qui grandissait toujours, et j’ai fait du bénévolat ici et là, à l’école de mon fils, par exemple, où j’ai été membre, et à un moment donnée secrétaire, du comité des parents pendant plusieurs années. Étant une des seules mères à la maison dans mon quartier, il arrivait parfois que je plusieurs enfants venaient chez nous en débarquant de l’autobus après l’école. J’en ai fait des biscuits aux brisures de chocolat !
J’ai pu dépanner plusieurs parents comme ça. Encore, je n’aurais pas échangé mon style de vie pour ce stress. Je n’étais pas grande tricoteuse. Ma mère m’avait appris les bases, mais sans plus. Un jour, j’ai voulu tricoter un cache-cou pour l’anniversaire de ma belle-soeur et pour y ajouter une touche plus délicate, j’ai voulu y apposer une rose tricotée. J’ai cherché partout comment faire. Introuvable. Je tombais toujours sur des tutos de roses au crochet.
Un voyage chez Michaels, un nouveau crochet dans la main et j’ai appris. Et je n’ai jamais lâché le crochet. Ma mère, à ce moment, commençait sa retraite graduelle et avait repris ses broches. Elle s’amusait à faire des petites poupées.
Moi je crochetais. On a commencé à vendre nos trucs à la paroisse pour financer les activités des groupes de jeunes ados. Et puis, comme on dit en anglais… one thing led to another….
Dans nos discussions préparatoires tu es souvent revenue sur le fait que l’aventure Mère et Fille tricots est arrivée « sur le tard » dans vos vies. Pourrais-tu nous parler de cet aspect de l’expérience ?
Nos âges ! J’ai maintenant 51 ans et ma mère va avoir 78 ans. Ça fait juste depuis avril 2019 que nous sommes officiellement une entreprise. On aurait pu continuer de vendre ici et là pour des levées de fonds comme on faisait avant, mais une partie de nous voulait vraiment faire ‘plus’.
Oui, nous sommes heureuses dans nos vies et on ne regrette pas les chemins que nous avons pris, mais de faire de notre passion une entreprise maintenant ? C’est difficile à expliquer.
J’ai décidé qu’en fait, notre devise devait être ‘Pourquoi pas ?’ Une question que je pose toujours dans bien des circonstances. Je suis de nature assez zen et laisser-faire. Et en vieillissant, on dirait qu’on fait moins attention à ce que les gens autour de nous pourraient penser. Ou ça nous dérange moins. Pour ma part, maintenant que j’ai trouvé quelque chose que j’aime faire, j’aimerais l’exploiter davantage. On dirait que les ambitions qui me manquaient quand j’étais dans la vingtaine sont apparues maintenant, à un âge où plusieurs personnes songent à la retraite, ou à la pré-retraite. La question n’est pas ‘Est-ce que j’aurai la volonté de continuer ?’, mais plutôt, ‘Est-ce que j’aurai l’énergie ?’
Même si c’est surtout la Fille qu’on voit et entend sur les réseaux sociaux, Mère et Fille tricots est un duo formé de toi et ta maman. Qu’est-ce qui vous a incité à partir à l’aventure ensemble?
Comme j’ai expliqué, on vendait nos trucs pour des levées de fonds dans la paroisse. Pour moi, c’était aussi une façon de passer du temps avec ma mère qui prenait sa retraite. Elle habite seule en appartement (encore en pleine santé) et c’était une façon de s’occuper. On nous dit que c’est le fait d’avoir des projets qui nous garde jeunes une fois à la retraite. J’en ai vu du monde qui n’avait rien d’autre à faire une fois à la retraite. Il y a une période de ‘vacances’ où on se repose après tant d’années métro-boulot-dodo et puis…rien.
Je crois beaucoup au fait qu’il faut avoir des projets, bénévolat, création, hobbies, peu importe, pour ne pas stagner dans nos vies. Pour moi, c’était une suite normale, au moins d’essayer de se partir en entreprise. Et ma mère était ‘game’.
Elle tricote des poupées et des trucs pour bébé pour notre boutique Etsy et elle aime être présente aux différents marchés auquels on participe. Mais elle me laisse faire tout le reste, le côté ‘business’, comptabilité, marketing, etc. Pour le moment, ça fonctionne.
En discutant des sujets d’entrevue, tu as mentionné les défis associés à faire ses premiers pas en entreprenariat tout en ayant besoin de donner sa place à la créativité… c’est un sujet qui me rejoint beaucoup ainsi que plusieurs autres entrepreneures créatives ! Peux-tu nous parler de ton expérience et peut-être partager tes petits trucs pour garder l’équilibre dans l’aventure.
La première chose que l’on faisait, c’était de produire de l’inventaire pour nos marchés. Au début, la créativité y était, on essayait différentes choses, différents produits et c’était très amusant. Mais, l’inventaire grandissait plus vite que les ventes. Il fallait choisir les bons marchés pour nous, certains ont floppé, d’autres étaient des succès inespérés.
Mais quand les ventes ne sont pas là, la motivation s’effrite, on se demande pourquoi on continue, et on se demande si les gens aiment ce qu’on fait. L’estime de soi et la vision de notre propre créativité mange un coup aussi.
C’est beau ou pas beau ce qu’on fait ? Question éternelle.
Nous sommes sur Etsy aussi et là, c’était pire. On avait aucune visibilité. Je devais prendre une pause de ‘production’, mais je refusais d’arrêter de créer. C’est à ce moment que j’ai pensé rejoindre le Collectif.
J’avais mes notes de patrons, plus pour moi, mais j’ai voulu traduire tout cela en quelque chose de plus. Alors, je fais moins, mais je suis aussi créative qu’avant. Et c’est ça qui me fait avancer. J’ai vite réalisé que malgré la nature créative de l’entreprise, le ‘reste’ prenait de plus en plus de place. Je ne suis pas hyper techno malgré le fait que je suis la seule dans la famille qui est consultée quand vient le temps de brancher tel équipement, programmer telle affaire. Ce n’est pas que je suis plus techno qu’une autre, mais je lis les instructions, moi !, quand c’est nécessaire, et j’essaie des trucs.
Mais les réseaux sociaux m’ont déboutée. Comprendre comment ça fonctionne vraiment, se chercher une clientèle fidèle, annoncer, créer du contenu. Je me considère encore débutante dans ce domaine, et j’apprend tout les jours grâce au Collectif.
J’investis beaucoup de temps à offrir quelque chose d’intéressant, parce que moi aussi, en tant que lectrice et consommatrice, je suis intéressée.
J’apprends tranquillement à jumeler tout ça, mais sans perdre de vue ce qui m’anime toujours.
Si ça devient tendance, tant mieux, sinon, ben, tant pis pour les autres ! Hahahaha.
Dès que j’ai confirmé avec toi que Mère et Fille tricots serait notre vedette d’avril, je savais qu’il fallait absolument parler de tes twiddle muffs ! Peux-tu nous parler de ce qui t’as inspirée à créer un produit si original et ciblé ?
En fait, c’est ma mère qui en a eu l’idée. Pas des manchons en soit, mais quand elle visitait sa mère (ma grand-mère) en résidence les dernières années de sa vie, elle remarquait comment les gens qui étaient atteints d’Alzheimer’s et démence n’arrêtaient pas de ‘tripoter’ tout à leur portée, la nappe, les ustensiles, tout.
Elle a fait ses recherches et a vu ce concept de la Grande-Bretagne, les ‘Twiddle Muffs’.
Alors, on a commencé à en faire et on a même développé nos propres styles dans leur confection. Ce ne sont pas des produits médicaux, mais, selon des observations de proches aidants et du personnel soignant en Angleterre et ailleurs, les manchons semblent avoir un effet calmant. Le concept est simple. On tricote ou crochète des manchons pour les mains (pour apporter un peu de chaleur au besoin) aux couleurs et textures différentes, et on attache une variété d’items pour ‘tripoter’, en bois, tissu, plastique, peu importe. Tout ça permet une stimulation visuelle et sensorielle. Ça calme les mains agitées. Il y des concepts similaires pour les autistes et les TDAH. En français on les appelle des manchons sensoriels.
L’année 2021 sera une année de sensibilisation chez nous. On va prendre l’opportunité de les faire connaître au Québec, parce que nous avons remarqué que le concept est très peu connu ici. Les manchons sont en fait nos plus grands vendeurs, mais notre clientèle pour ce produit a été jusqu’à maintenant, le Canada anglais, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie.
Nous voulons changer ça cette année. Je suis fière que quand on tape ‘manchon sensoriel Québec’ dans l’engin de recherche Google, notre site web ou notre boutique Etsy est la première à apparaître.
Je résistais depuis longtemps à nous définir avec seulement un produit. J’avais peur de devenir une machine à produire la même chose ‘day in, day out’, mais les manchons sont différents. On n’en fait pas deux identiques. Alors, je joue avec ma créativité là aussi et j’aime ça.
Moins magique et humanitaire… mais moi je veux savoir pourquoi les lavettes à jurons !? Pour terminer, peux-tu nous parler des projets 2021 pour Mère et Fille tricots ?
Oh mon Dieu. Je suis des pages anglos de crocheteuses, et les lavettes avec les mots colorés en anglais étaient très populaires, surtout en 2020 ! Je trouvais ça drôle. Et quand j’ai cherché pour l’équivalent en français, avec nos bons jurons typiquement québécois, je n’en trouvais pas. Je me suis amusée à écrire mes patrons.
Ma mère ne pensait pas que ça passerait au Québec.
On en riait. En tout cas, ça défoule les esprits faire le ménage avec un ’T*B*RN*K’ dans la main ! Un !$%#!* bien senti parfois, ça fait du bien.
Alors… qu’est-ce qui nous attend en 2021 avec Mère et Fille tricots ?
J’ai annoncé que l’année 2021 sera l’année des manchons sensoriels (et nos efforts à sensibiliser sur le produit), et le crochet tunisien. Sans m’en apercevoir, tous les patrons que je développais étaient au crochet tunisien.
Julie Desjardins me l’a rappelé, le crochet tout court est déjà un domaine étroit comparé au tricot, et le crochet tunisien l’est encore plus. Alors, puisque je suis en mode ‘sensibiliser’ qui veut dire aussi éduquer, je vais essayer de faire connaitre cette technique plus largement avec des tutos vidéos gratuits sur notre site et des nouveaux patrons en français.
Je crois qu’il y a un engouement grandissant pour le crochet tunisien. Et ça m’amuse de jouer le jeu ‘Tricot ou Crochet?’ parce que le tunisien parfois ressemble drôlement au tricot.
On va réaliser des belles collaborations cette année aussi, mais je ne peux pas trop dévoiler, tout n’est pas concrétisé. Finalement, on a lancé notre première infolettre en janvier. Au courant de l’année, nous allons avoir des petits concours via l’infolettre et toutes les primeurs y seront.
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Une réponse sur « La rose du rang crochète… Nadine Taylor et sa maman! »
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